Quelque chose d'intéressant? Qui sait...[Chizu+Kazuma]

Chizu ferma les yeux, avant de les rouvrir. Cela faisait plusieurs jours que l'établissement s'était à nouveau remplit comme chaque année. Malgré tout Chizu n'avait fait que très peu de fois son apparition. Elle avait beau être censée être une élève comme les autres qui vivrait sa vie parmi tout ce petit monde venu pour étudier. Elle n'aimait pas tellement se mêler à la populace. Elle avait cependant fait quelques actes de présences par-ci par-là comme en classe par exemple, mais elle n'avait jamais pris le temps de parler sérieusement avec un autre élève. Aux yeux des autres, elle avait l'air d'une élève modèle, bien qu'un peu solitaire pour le moment elle ne semblait pas si méchante et on avait l'impression de pouvoir l'approcher comme on voulait. Cette bonne blague! Si ces gamins savaient ce qu'elle était réellement elle savait bien qu'ils ne feraient pas long feu avec elle. La jeune brunette était justement entrain de faire une de ses rares apparitions qui, comme souvent, n'était pas bien longue mais bon. Elle était bien obligée de le faire si elle voulait de fondre dans la masse.
Elle sifflotait un air léger en marchant dans les couloirs vides de l'établissement. Quand elle rencontrait quelqu'un elle saluait cette personne poliment mais sans attardement. Chizu prétextait souvent quelque chose à faire ou le fait qu'elle ai oublié quelque chose pour quitter les conversations, elle était lasse de tout cela. Ses yeux bleus avaient envie d'autre saveurs. Peut-être que parler avec l'un des étudiants de sa classe ne serait pas trop une mauvaise idée, après tout il fallait bien qu'elle apprenne à connaître un minimum tout ce beau monde avant de ce lancer à faire quoi que ce soit.
Malgré toute les pensées qu'elle pouvait avoir, le visage de Chizu était calme et doux. Comme celui d'une jeune fille inoffensive et gentille. Bien que sous un certain angle ce n'était pas vraiment le cas elle ne laissait rien paraître: l’enjeu était trop important!
Cette dernière passa ensuite devant la salle de musique. Une de ces salles du deuxième étage peu occupé comme tant d'autre. Un lieu passible sans doute. Sans vraiment d'hésitation, elle ouvrit la porte et entra. Il y avait un piano qui tonnait au centre de la pièce. Il était très bien accordé et devait certainement valoir une petite fortune.
Sans trop se préoccuper de ce qui l'entourait, la jeune demoiselle s'assit sur le siège de l'instrument avant de jouer une mélodie douce et assez agréable à entendre. Bien qu'il y avait quelques ratés, elle se corrigeait rapidement et ne coupait pas son rythme de manière à ce que le son reste doux et agréable.
Elle jouait assez bien, on ne pouvait pas la comparer à Mozart bien sur mais ce n'était pas si mal. Chizu fermait les yeux en laissant ses doigts se balader seuls sur ces touches blanches et noires. Puis à l'entente de pas dans le couloir, elle s'interrompit soudainement en attendant que le ou les gêneurs veuillent bien partir.

Kazuma se promenait au hasard dans le lycée, cherchant un coin tranquille. Quand il était arrivé il y a deux mois, il n'y avait pas encore beaucoup de monde, mais ces temps-ci c'était infernal: dans le parc, dans les couloirs, dans le hall, à la cafétéria...tous ces lieux étaient bondés et le bruit assourdissant d'une vingtaine de conversation autour de soi commençait sérieusement à lui peser. De plus, il n'avait échangé quelques mots qu'avec peu de personne, donc aucun moyen de prendre part à la moindre de ces discussions. Aucun moyen et aucune envie...Il avait joliment rembarré les quelques personnes ayant essayés de lui parler avec quelques remarques bien placées, et le tour était joué: il passait pour le type "méchant" et méprisant du coin. Bref, celui qu'on avait pas envie d'approcher.
Enfin, il y avait bien sûr une exception. Son colocataire arrivé depuis peu, Daiki...mais avec lui, c'était différent. Il ne pouvait tout simplement pas lui dire quelque chose qui le blesserait. Il ignorait pourquoi, ou tout du moins, voulait tout faire pour l'ignorer. Le souvenir d'Haru était encore trop frais dans sa mémoire.

Il arriva finalement au premier étage et déambula dans les couloirs. Kazuma remarqua qu'ils étaient de moins en moins bondés, et pensa que s'il trouvait une salle dans le coin, il pourrait enfin être en paix. Alors qu'il fouillait dans sa mémoire pour savoir quelle salle serait susceptible de lui convenir, il entendit un son assez faible, une mélodie assez simple mais douce à écouter. Un son de piano. Il savait aussi en jouer, mais ça remontait à longtemps. La personne qui aimait cet instrument, c'était Haru...
Refusant de sombrer dans des souvenirs qui l'auraient rendus mélancolique et inévitablement triste, il se dirigea vers le son de ce bruit. Il savait d'où il provenait: la salle de musique. Il n'y avait généralement pas un chat, et il se trouvait bête de ne pas avoir pensé à ce lieu auparavant. C'était décidé: cet endroit serait son refuge de tranquillité.

Quand il ne fut arrivé dans le couloir de la salle de musique, la personne qui jouait s'arrêta en plein milieu du morceau. Sans doute l'avait-elle entendu. Peu importait, le jeune homme avait enfin trouvé un lieu de paix, alors il ne comptait pas se faire virer par qui que ce soit. Il s'arrêta devant la porte et entra. Une jeune fille était assise devant un piano à queue et le regardait. Il la connaissait un peu de vue: elle était dans sa classe. Mais il n'avait jamais fait particulièrement attention à elle.

"Bonjour", dit-il d'une voix neutre avant de détourner le regard pour chercher une place où s'asseoir.

Il finit par repérer une chaise posée dans un coin, la tira un peu, et s'assit dessus. Il reporta alors son attention sur la jeune fille. Il se demanda ce qu'elle comptait faire: l'ignorer, partir, tenter de discuter...ou bien de le virer. Peu lui importait: de toute manière, il ne bougerait pas. Il porta son regard indifférent vers la fenêtre non loin de lui et contempla le paysage.

Finalement, plus les pas se rapprochait, plus il était facile de deviner qu'il ne s'agissait que d'une seule personne. C'était plutôt un soulagement pour Chizu qui n'avait pas vraiment envie de se retrouver au milieu du brouhaha perpétuel qui avait envahit peu à peu le lycée. Il n'y avait rien de pire qu'une bande de gosse bavard. Elle sentait que malheureusement sa solitude "réparatrice" serait de courte durée quand elle entendit la personne à l'extérieur de la pièce s'arrêter devant la porte puis entrer comme si cette pièce était l'endroit qu'il espérait. La porte s'ouvrit et un jeune homme entra. Il était brun avec des yeux vert, pas bien grand mais bon. Son visage remonta rapidement dans la mémoire de la pianiste. Elle l'avait déjà vue quelque part mais où? En classe certainement. Elle l'avait peut-être croisé rapidement entre deux dossier qu'elle devait traiter avant la rentré des élèves. Une paperasse dont elle se serait bien passée. Comment s'appelait-il déjà? Kizu...Kazu...Bref elle ne s'en souvenait plus vraiment.

En entra, le garçon lui fit un bonjour assez neutre, celle-ci répondit par un simple hochement de tête. Il semblait chercher une place pour s’installer apparemment. On le voyait à la manière dont il regardait la pièce comme si il cherchait quelque chose avant de trouver la "chaise promise". Chizu n'avait pas vraiment envie de chercher les ennuis, surtout que cette personne ne la dérangeait pas vraiment en soit.
La jeune fille décida alors de reprendre sa mélodie là où elle s'était arrêté. Il fallait qu'elle la finisse et si l'autre garçon n'était pas content il n'avait qu'à partir. La musique reprit donc, douce, calme, malgré ses quelques malencontreuses fausses notes jusqu'à ce qu'elle se termine. Chizu ne disait pas un mot. Elle restait concentrée sur son morceau car elle était venue pour ça après tout.

Les quelques notes de la fin plongèrent la pièce dans le silence. Si cette dernière avait envie de parler à quelqu'un c'était le moment. De toute façon elle n'avait pas grand chose à faire. A moins qu'elle ne veuille commencer un nouveau morceau? non. Elle n'aime pas trop que l'on l'écoute jouer. Elle leva ses yeux vers le garçon qui...n'en avait clairement rien à faire d'elle avant de demander d'une voix assez calme:

"-Comment c'était?"

Elle avait un petit sourire sur les lèvres, du genre assez satisfaite d'elle même malgré ses erreurs. Puis elle commença à ranger les partitions avant que l'étudiant ne puisse répondre. Après tout elle s'en moquait un peu de savoir mais un avis externe l'intéressait assez. Quoi que ...non c'est surtout pour voir si ce dernier allait la remballer méchamment vite fait bien fait ou lui répondre normalement. A moins que ce dernier décide de faire comme si il n'avait rien entendu, dans ce cas l elle insisterait jusqu'à ce qu'elle ai un semblant de réponse.

La jeune fille dont le nom lui était encore inconnu avait apparemment décidé de ne pas tenir compte de sa présence et s'était remise à jouer. Kazuma contemplait le paysage d'un regard désintéressé et ton aurait pu croire qu'il était perdu dans ses pensées. C'était faux. Il écoutait simplement la mélodie que jouait l'autre élève. Pas par désir particulier, mais juste car il n'avait tout simplement rien d'autre à faire dans l'immédiat. Lorsque les doigts de la jeune fille appuyèrent sur la dernière note, un grand silence se fit dans la pièce.
Silence rapidement troublé par la jeune fille qui, d'apparence assez calme, lui demanda comment il avait trouvé le morceau. En tournant légèrement le regard vers elle, il vit au sourire sur ses lèvres qu'elle semblait assez satisfaite. Il l'observa ranger les partitions d'un air légèrement songeur. Il avait prit l'habitude d'ignorer les gens et ne cherchait pas à sympathiser avec eux. Mais pour une raison qu'il n'aurait pas pu dire, cette fille l'intriguait. Après tout, il n'y avait actuellement rien d'autre à faire, alors pourquoi ne pas discuter un peu? Au pire, s'il s'avérait qu'elle était ennuyante, il pourrait toujours l'ignorer de nouveau. Et puis, cette mélodie, il la connaissait...c'était l'une de celle que lui jouait parfois Haru quand ils habitaient encore ensemble. Ce n'était pas une de ses préférées, mais tous les morceaux que jouait son demi-frère étaient magnifique selon lui, et à chaque fois qu'il les écoutait, il sentait son coeur se réchauffer. Il se refusa à penser que dorénavant, Haru ne jouerait plus jamais pour lui.

-La mélodie en elle-même, bien que simple, est agréable à écouter. En revanche, tu fais de nombreuses fautes, et même si tu arrives à bien rattraper la plupart de ces erreurs, certaines se distingue du reste du morceau et l'empêche d'être excellent. Je reconnais cependant que pour une oreille n'ayant que peu de connaissances musicales, c'est un magnifique morceau. Tu as un niveau globalement correct mais tu peux encore t'améliorer.

Il avait dit ça en la regardant droit dans les yeux avec une expression neutre, pouvant même passer pour ennuyée, mais il avait réellement réfléchit à cette critique et était en vérité assez curieux de voir sa réaction. Peut-être prendrait-elle mal sa critique, peut-être pas. Il s'en fichait: il n'était plus en Allemagne, il n'était plus dans ce monde de faux-semblants qu'était la noblesse, alors il voulait être franc tant qu'il le pouvait.

Chizu finit de rassembler ses partitions, puis elle partit les ranger dans le placard prévu à cet effets afin qu'elle soient disponible si quelqu'un d'autre désirait les jouer. Cette mélodie, elle ne signifiait rien pour elle. C'était juste une de celles qu'elle avait joué lors de ses cours de piano qu'elle prenait à une époque. Elle dirigea son regard vers la fenêtre devant laquelle était assit cet étudiant qui l'avait écouté. Il commença à répondre d'un regard assez neutre, voir ennuyer mais il là regardait droit dans les yeux. Malgré son expression, sa réponse était clair, franche et précise. Il mettait le point sur à peu près tout ce qu'elle avait relevé elle même en s'écoutant jouer. Quelque part on sentait qu'il connaissait déjà la mélodie. Ce jeune homme avait relever qu'elle avait fait pas mal de fautes alors que certains ignorants n'en avait relevé que très peu. Mais bon ce n'était pas extraordinaire non plus, il pouvait l'avoir entendu n'importe où ailleurs que dans cette salle. Ses paroles n'avaient fait ni chaud, ni froid à Chizu. Mais le regard de ce garçon était assez...spécial. Presque trop neutre à son goût. C'était énervant mais la jeune fille ne laissait absolument rien paraitre. Après tout se montrer maintenant ne servait à rien.
Elle sourit simplement à sa réponse avant de dire quelques mots.

"-Merci, j'en tiendrais compte. "

Puis cette étudiante qui semblait comme les autres commença à ranger certaines choses dans la pièce. Les anciens utilisateurs ne remettaient pas toujours toute les choses à leur place. Elle semblait assez soucieuse de ça, enfin c'était surtout que dans son rôle de "directrice" elle ne pouvait pas se permettre de tout laisser dans cet état. Chizu avait donc rapidement quitté le regard de son camarade pour se consacrer à d'autres occupations.
Le silence s'était de nouveau installé, mais elle le rompit encore une fois.

"-On s'est déjà croisé non? ...je crois que l'on est dans la même classe...c'est quoi ton nom déjà?"

Elle c'était retournée vers lui pour lui parler. c'était la moindre des politesses tout de même. Et puis, se garçon l'intriguait. Elle savait que comme la plupart des élèves ici il devait peut-être avoir quelque chose de particulier, ou non. Peut-être aura t-elle envie de lui montrer des choses amusantes qui ne sont réservé qu'a ce qu'elle choisit elle même? Espérons que non pour lui et son entourage.

La remarque qu'il avait prononcé n'avait pas eu l'air d'affecter grandement la jeune fille. Quelque part, c'était normal: il ne lui apprenait rien de plus que ce qu'elle ne savait déjà. Elle le remercia tout de même en lui disant qu'elle en tiendrait compte, puis commença à ranger les objets qui trainaient dans la pièce. Elle semblait prendre sa tache à cœur...lui ne trouvait pas spécialement cet endroit en bazar, mais après tout, il y en avait de plus maniaques que d'autres. Il en profita pour l'observer de plus près et remarqua qu'elle était assez petite. Il songea qu'elle devait faire à peu près sa taille et tenta de ne pas se remettre à désespérer: il grandirait bien un jour... Il était sûr que certaines filles de son âge devait quand même le dépasser...franchement, on attendait pas d'avoir 16 ans pour faire une poussée de croissance! Il se refusa à penser qu'il ne grandirait peut-être plus et par la même occasion, se refusa à sombrer dans la déprime. Se détournant d'elle, il se remit à observer depuis la fenêtre le parc dehors. A force, peut-être finirait-il par connaître par cœur ce paysage...

"-On s'est déjà croisé non? ...je crois que l'on est dans la même classe...c'est quoi ton nom déjà?"

La jeune fille avait soudainement brisé le silence pour lui demander son nom et s'ils s'étaient déjà vus. Il était un peu surpris qu'elle se mette à discuter avec lui, même si ce n'était pas quelque chose de très étrange en soi. Il l'observa durant quelques secondes sans répondre, puis finalement, desserra les lèvres. Cela ne lui coûtait rien, après tout. Si c'était vrai qu'il cherchait souvent la tranquillité, la compagnie d'une seule personne ne le dérangeait pas...quoique cela pouvait dépendre des personne.
Il répondit d'une voix calme, et par la même occasion parfaitement calculée. L'expression de son visage restait également neutre et il aurait était vain d'y chercher la trace d'une quelconque émotion. Le pire, c'est qu'il ne le faisait pas vraiment exprès: encore l'un des mauvais réflexe qu'il avait prit en Allemagne...

-Je m'appelle Kazuma Shinkuro. Nous sommes dans la même classe, mais à vrai dire, je ne t'ai jamais adressé la parole jusqu'à aujourd'hui. Comment t'appelles-tu?

Il avait déjà du entendre son nom à l'appel au début des cours, mais il n'y avait jamais prêté attention. En fait, il n'avait pour l'instant mémorisé que le nom de son colocataire...les autres ne l'intéressait pas assez pour qu'il se donne la peine de retenir leurs prénoms.

Le garçon qui se tenait là avait les yeux tourné vers la fenêtre lorsqu'elle s'était retourné pour lui parler. Il semblait assez lointain en y repensant. Son regard était perdu quelque part au milieu de paysage sur lequel donnait la vitre qui se trouvait près de lui. Les mots que Chizu avait prononcé étaient simples et naturels,n'importe qui aurait pu demandé la même chose. Pourtant, l'étudiant en face d'elle mit quelques secondes avant de parler, comme si il se demandait si il devait répondre ou non. Puis il répondit à la jeune directrice d'un ton assez calme et d'une expression qui ne laissait passer aucune émotion, quasiment la même que lors de sa réponse précédente.

"-Je m'appelle Kazuma Shinkuro. Nous sommes dans la même classe, mais à vrai dire, je ne t'ai jamais adressé la parole jusqu'à aujourd'hui. Comment t'appelles-tu?"

Elle avait vue juste. La jeune fille avait belle et bien due tomber sur le dossier de ce "Kazuma Shinkuro" dans un de ses tas de paperasse. Un élève transféré d'Allemagne qui avait un nom japonais...c'était plutôt rares mais ça n'avait rien de bien impressionnant. Elle rangea ce qu'elle avait dans les mains avant de lui répondre dans un sourire:

-Pour moi, Chizu suffira!

Pourquoi ne pas dire son nom de famille? Il n'y avait pas de raison particulière mais juste qu'elle ne l'aimait pas. C'était celui de la jeune fille qui avait survécu à la folie de sa mère quelques temps auparavant. Les gens avaient voulut qu'elle change de nom de famille après avoir retrouvé sa "famille" d'origine mais elle n'avait pas voulue pour une raison qui échappait à la plupart des gens. Cette dernière préféré aussi passer pour la fille du massacre que pour celle qui est entré grâce à un lien de parenté avec le directeur. Elle s’approcha de Kazuma avec un petit sourire sur les lèvres et de poser ses mains sur les joues du garçon. Elle le fixa quelques secondes sans bouger avec une petite mine boudeuse avant de lui sortir:

-Tu devrais vraiment sourire plus souvent tu sais? Si tu passe ta vie à tirer une tête comme ça tu va finir ridé avant l'âge!

Cette phrase n'était pas vraiment provocante même si elle pouvait vexer certaines personnes, mais lui il pouvait très bien ne même pas y réagir...Chizu trouvait dommage de ne pas voir d'autres expression sur le visage de cet étudiant.

Avec un sourire, la jeune fille lui répondit qu'elle s'appelait Chizu. Il remarqua vaguement qu'elle ne lui avait pas donné son nom de famille mais cela ne le dérangea pas plus que ça. S'il avait été obligé de garder le nom de son père, alors lui non plus ne lui aurait pas dit son nom...Elle s'approcha de lui avec un sourire sur les lèvres et étrangement, Kazuma eut un mauvais pressentiment.

...

Pressentiment qui se confirma dans l'instant. Il leva des yeux surpris vers son interlocutrice, qui le fixait d'un air boudeur. Il se reprit rapidement et toute trace de surprise disparut bientôt de son visage...un peu trop tard, cependant, pour qu'elle ne l'ait pas remarqué. Il s'apprêtait à dire quelque chose - il ne savait pas vraiment quoi, mais quelque chose quand même, juste histoire de reprendre contenance- mais Chizu le devança.

-Tu devrais vraiment sourire plus souvent tu sais? Si tu passe ta vie à tirer une tête comme ça tu va finir ridé avant l'âge!

Il analysa la situation: une jeune fille de sa classe dont il ne connaissait que le nom et avec qui il avait à peine échangé quelques paroles venait de poser ses mains sur ses joues en lui demandant de sourire. Il hésita à se pincer pour savoir s'il rêvait ou non. Comme il sentait très bien la fraicheur des mains de la jeune fille sur ses joues, il se rendit à l'évidence: c'était bel et bien la réalité. Pour tout autre personne, cette situation pourrait peut-être paraitre banale, mais il avait l'habitude que les gens l'évitent et lui parlent le moins possible. Personne n'avait encore osé lui dire ce genre de chose...à part peut-être Haru, qui lui avait aussi fait un jour la remarque. Sans rien laisser paraitre de son trouble, il prit lentement les mains de la jeune fille et les écarta de ses joues. Si la remarque ne le gênait pas plus que ça, c'était surtout ce contact qui le dérangeait.

-Je ne souris que s'il y a quelque chose d'assez intéressant pour le faire. Et je te signale que c'est quand on sourit beaucoup que des rides apparaissent, donc ce serait plutôt à toi de t'inquiéter.

Il fixa ses grands yeux bleu ciel pendant un instant avant d'ajouter, légèrement intrigué:

-Dis moi, Chizu...en classe, tu ne cherches à discuter ou à te lier avec personne. Pourquoi as-tu décidé de me parler?

Non pas que ça le dérangeait -il s'ennuyait ferme- mais c'était une question qu'il se posait depuis un petit moment. Il était assez observateur et avait noté l'attitude de cette fille, même s'il ne s'y était jamais intéressé de près. Bon remarque, il disait ça, mais ça valait aussi pour lui...

Les joues de Kazuma étaient plutôt chaudes et douces malgré son expression qui ne changeait pas en toute circonstance. D'ailleurs après ce geste, la réaction de ce jeune homme ne fut pas des plus extraordinaires mais elle restait tout de même intéressante. Son visage n'avait pas laissé paraître le moindre trouble ou la moindre expression, du moins c'est ce que les yeux de Chizu avaient perçu mais elle ne s'attarda pas sur ce détail. Il lui prit lentement les mains avant de les écarter de son visage et de lui retourner sa remarque. Elle fit un léger sourire amusé à ses paroles. C'était vrai que les sourires pouvaient rider mais elle s'en fichait puisque elle ne souriait généralement qu'en public. Mais l'étudiant n'avait pas finit de lui parler apparemment et il lui posa une question à laquelle elle ne s'attendait pas vraiment. C'était surement normal qu'il se la pose vue que cette fille ne semblait pas privilégier les relations humaines et les contacts avec les autres en classe. Elle ne chercher à se lier avec personne c'était un fait avéré même si elle ne semblait pas pour autant être le genre de personne à se faire détester par les autres. La véritable réponse était simple, elle se moquait totalement de ce que ce genre de relation pouvait lui apporter. L'envie de se rapprocher de quelqu'un ou même de se faire de véritables amis l'avait quitter depuis trop longtemps. Alors...pourquoi lui parler? simplement par ennuie, ou pour casser la monotonie de ses jours ce qui revenait quasiment au même.
Chizu marqua une légère pose à la question de Kazuma. Ce n'était pas qu'elle était troublée mais plutôt qu'elle semblait chercher quoi répondre. Puis finalement elle baissa les yeux avec un léger regard triste.

-Ça se voit tant que ça? ...Si j'avais une réponse à te donner je dirais...Que je ne supporte pas vraiment les gens en masse...je préfère rester seule plutôt qu'autre chose...Après pour quoi j'ai décidé de TE parler... Elle fit un léger silence avant de redresser son visage et de regarder ce garçon dans les yeux et de poursuivre un nouveau sourire légèrement joyeux voire naïf sur les lèvres, c'est surtout parce que malgré tout la solitude n'est pas faites pour moi et que comme tu étais seul tu ne me dérangeais pas. Mais que ce soit toi ou un autre...je pense que je t'aurais abordé de la même façon!

Ce petit passage de pseudo-sentiments qu'elle pouvait ressentir était joué à merveille. Il était impossible de savoir si ce qu'elle disait était vrai pas le simple fait que même son regard donnait l'impression de ne pas mentir et qu'il y avait un fond de vérité dans ses paroles. Puis avant de laisser Kazuma répondre, elle ajouta quelque chose.

-Je pourrais te poser la même question tu ne crois pas?

Elle le regardait dans les yeux, comme quand il lui avait posé lui même la question. Elle espérait qu'il allait répondre quelque chose d’intéressant mais elle ne voyait pas l'avenir...il lui suffisait juste de suivre le déroulement de cette conversation.

Le jeune fille sembla réfléchir à sa réponse pendant quelques instants, puis baissa un regard triste vers le sol. Il l'écouta attentivement, et compris parfaitement la première partie de sa phrase. Les gens en masse l'importunait plus qu'autre chose et il préférait la solitude à la bruyante compagnie. Elle leva de nouveau les yeux vers lui et ajouta, avec un sourire un peu naïf sur les lèvres, que la solitude n'était pas vraiment faite pour elle et que parler à quelqu'un de seul ne la dérangeait pas.
Sa première réaction fut de se demander si elle était sincère. Dans le monde où il avait vécu jusqu'à présent, les faux-semblants étaient presque omniprésents et il ne fallait pas faire confiance à ce genre de tirade. Mais il se reprit finalement: Chizu disait peut-être la vérité, et il fallait qu'il arrête de se méfier comme il l'avait fait jusqu'à présent. C'est pourquoi pour l'instant, il choisit de la croire, bien que cela n'ait au final pas beaucoup d'importance et qu'il savait très bien qu'il n'arriverait pas avant longtemps à faire confiance aux paroles de quelqu'un. Peut-être même jamais.

-Je pourrais te poser la même question tu ne crois pas?

Elle le regardait dans les yeux, et il lui rendit son regard. Pourquoi lui avait-il répondu? C'était vrai, cela contrastait parfaitement avec son attitude des jours précédents. Pour la première fois qu'il était entré dans cette pièce, un léger sourire apparut sur ses lèvres. Mais il n'était pas destiné à la jeune fille: il venait simplement de se souvenir qu'il avait eu une conversation semblable il y a très longtemps...

-La solitude est un refuge qui me plait, mais qui a ses inconvénients. Disons que dans le cas présent, je n'avais rien d'autre à faire, et que la chose qui m'avais paru la plus intéressante dans la pièce était toi.

Son sourire disparut alors comme s'il n'avait jamais existé et il tourna de nouveau son regard morne vers la fenêtre. Des gens discutaient dans le parc qu'il pouvait apercevoir de là, mais c'est à peine s'il les vit. Sans oublier la présence de Chizu à côté de lui, il laissa son regard errer à travers le paysage sans qu'il se pose sur quoi que ce soit. Il n'était pas bavard de nature, et si la jeune fille souhaitait poursuivre la conversation, ce n'était pas lui qui allait l'aider pour l'instant. Enfin, elle était assez singulière -qui penserait à pincer les joues du premier inconnu venu?- pour qu'il ne souhaite pas la virer. Quoique si elle partait, il ne serait pas trop gêné non plus. En fait ça lui était complètement égal.

Le garçon en face d'elle lui renvoyait son regard et un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Il était assez vague et laissa deviner à l'étudiante qu'il ne lui était pas destiné. Les quelques paroles qui suivirent semblèrent plus ou moins satisfaire la jeune fille bien que rien ne laissait transparaître certaine de ses pensées. Elle se contrôlait à la perfection comme toujours. L'expression qu'il avait sur le visage s'effaça comme un lointain souvenir avant qu'il ne tourne son visage vers la fenêtre et que le silence trouve à nouveau la place dans cette pièce.
Quant à la jeune Chizu, elle bouillonnait de l'intérieur, elle avait envie d'en savoir plus, toujours plus. Quel genre de réaction fallait-il avoir dans ce genre de circonstance? aurait-il l'honneur de vraiment savoir qui elle est? Aurait-elle l'occasion de véritablement jouer avec lui?
Des dizaines et des dizaines de questions se bousculaient dans sa tête suivant parfois des raisonnements absurdes alors qu'elle ne révélé rien de ces choses sur son visage. Soudainement elle lui tourna le dos et s'éloigna de quelques pas comme pour partir sans doute.
Un, Deux, Trois...Quatre....elle comptait ses pas dans sa tête et elle s'arrêta à six. Le regard légèrement vide ou perdu, elle se retourna et pointa son majeur droit en direction de Kazuma comme une arme.

-BAM!.....si j'avais sorti une arme tu seras entrain de mourir à l'heure qu'il est....

Elle n'attendait pas vraiment de réponse à cette question, qu'elle se trompe ou non, c'était du pareil au même. La mort est un sujet sensible pour beaucoup de monde mais elle s'en moquait. Chizu se rapprocha ensuite d'un pas rapide de sa "victime" avant que celle-ci puisse dire quoi que ce soit et plongea un regard assez assuré et sombre dans ses yeux.

-Si tu mourrais aujourd'hui...préférerais-tu mourir avec ta solitude? aurais-tu des regrets? est-ce que tu te sens vraiment vivant? passer ta vie à fuir te plait?

Elle parlait avec vivacité et sans la moindre hésitation, c'était tout de même étrange cet manière soudaine de s'adresser à lui, il pouvait très facilement la prendre pour une folle mais elle s'en moquait. Elle voulait principalement voir comment il allait réagir et si il voyait ou elle voulait en venir. Elle s'arrêta de nouveau en se replongeant dans le silence avant de prononcer d'un manière bien plus calme.

-Je te laisse réfléchir à tout ça si tu veux ~

Chizu lui tourna à nouveau le dos après cette crise étrange qui n'avait pas de but particulièrement mauvais. Se dirigea vers la porte dans le silence en se demandant si il comptait continuer cette discussion qui avait prit une drôle de tournure, si il ne réagissait pas elle le laisserait jusqu'à leur prochaine rencontre....le choix lui appartenait.

Kazuma sentit que la jeune fille faisait demi-tour et songea vaguement qu'elle ne souhaitait pas continuer la "discussion". Comme elle voulait. Il pourrait toujours continuer à lire le livre qu'il trimbalait dans son sac depuis quelques jours...alors qu'il en était déjà à penser à ce qu'il ferait après son départ, sa camarade de classe se retourna soudain en prononçant un "BAM" retentissant. Si Kazuma n'avait pas eu une si grande maîtrise de soi, il aurait sans doute sursauté. Au lieu de quoi, il se retourna calmement, surprit par cette attitude sans que cela ne se remarque...et encore plus étonné par les paroles qui s'ensuivirent.
"...si j'avais sorti une arme tu seras entrain de mourir à l'heure qu'il est..." lui dit-elle en le pointant de son index comme s'il s'agissait d'un pistolet.

Sacrément bizarre, cette fille. Et fichtrement plus intéressante que les autres personnes. Ce furent les seules pensées logiques qui lui vinrent à l'esprit sur le moment. D'un pas rapide, elle se rapprocha de lui et plongea un regard assuré dans ses yeux, avec une lueur un peu sombre au fond de ses prunelles. C'était un changement radical d'attitude comparé à tout à l'heure et il se demanda presque s'il s'agissait de la même personne. Sans marquer la moindre hésitation, elle enchaina vivement:

"Si tu mourrais aujourd'hui...préférerais-tu mourir avec ta solitude? Aurais-tu des regrets? Est-ce que tu te sens vraiment vivant? Passer ta vie à fuir te plait?"

Elle marqua un silence durant lequel il n'esquissa pas le moindre mouvement, son cerveau tournant à plein régime. Elle se dirigea alors vers la sortie en lui tournant le dos et en annonçant qu'elle le laissait réfléchir à tout ça s'il le souhaitait. Juste avant qu'elle ne franchisse la porte, Kazuma ouvrit la bouche, mut par une impulsion étrange."Je pense qu'il y a un élément que tu as oublié de prendre en compte."

Elle s'arrêta et, un sourire indéchiffrable aux lèvres, il poursuivit en fichant un regard étrangement déterminé dans le sien:
"Je n'ai pas l'intention de mourir maintenant."

La sonnerie retentit brusquement, annonçant à tous la reprise des cours. Son nouveau professeur étant cloitré à l'infirmerie, Kazuma savait qu'il n'était pas concerné, mais cela ne l'empêcha pas de se lever et de prendre son sac. Son visage avait reprit son expression habituelle et il regardait maintenant Chizu d'un air passablement indifférent.
"A plus."

Il sortit sans plus se préoccuper d'elle et prit un chemin au hasard. Un des couloir l'amènerait bien quelque part où il pourrait se poser tranquillement pour finir son livre...Au fur et à mesure qu'il avançait, il repensait à l'étrange discussion qu'il venait d'avoir. Kazuma savait qu'il n'avait pas répondu à sa question. Il ne le souhaitait pas. Pourquoi en parler à une fille qu'il ne connaissait que depuis quelques minutes? Pourquoi en parler à quelqu'un tout court? La solitude avait cet avantage de le laisser tranquille.
Aurais-tu des regrets?
Des regrets? Pourquoi faire? Toutes les choses qui avaient conduites jusqu'ici, il les avait faites de façon à ne pas avoir de regrets. Même Haru, il ne le regrettait pas. La seule chose qu'il regrettait vraiment, c'était sa mère, mais ça il n'y pouvait rien.
Est-ce que tu te sens vraiment vivant?
Se sentir vivant? C'est quoi, ça? Bien sûr qu'il était vivant. Il respirait, marchait, pensait, il vivait. Il se sentait étrangement de plus en plus irrité.
Passer ta vie à fuir te plait?
Arrivé sur le toit, il s'arrêta, le poing serré. A cette heure ci, il n'y avait plus personne, tout le monde étant en cours. Si il y avait eu quelqu'un à proximité, il l'aurait de toute manière sentit. Il s'agrippa au grillage métallique et là, il leva son regard vers le ciel. Des nuages gris couvraient entièrement le ciel, l'empêchant de distinguer le bleu azur que l'on voyait habituellement. Il était en colère. Contre cette fille, contre ses paroles, contre cette petite voix en lui qui lui répétait la même chose, contre la salle de musique, contre ce prof malade, contre ce ciel qui lui ressemblait trop, contre lui.
"Je ne suis pas un lâche." murmura-t-il doucement comme pour mieux s'en persuader.